Raymond Queneau

Raymond Queneau
Raymond Queneau (1903-1976)

Raymond Queneau, né au Havre le et mort à Paris 13e le , est un romancier, poète, dramaturge français, cofondateur du groupe littéraire Oulipo.

Raymond Queneau a grandi dans une famille de commerçants1. Il rejoint Paris pour faire des études de philosophie à la Sorbonne et à l’École pratique des hautes études où il suit notamment les cours d’Alexandre Kojève sur Georg Wilhelm Friedrich Hegel.

Il fréquente le groupe surréaliste auquel il adhère en 1924. À la suite de son exclusion en 1930, il participe au pamphlet Un cadavre contre André Breton avec un texte intitulé « Dédé ». Raymond Queneau a relaté de façon satirique son expérience du surréalisme dans Odile, où Breton apparaît sous les traits du personnage d’Anglarès.

Effigie du Satrape Raymond Queneau, par Jean-Max Albert, Rt

Après la rupture avec le surréalisme, Raymond Queneau se lance dans l’étude des « fous littéraires » et travaille à une Encyclopédie des sciences inexactes. Refusée par les éditeurs, cette encyclopédie lui servira pour le roman Les Enfants du Limon (1938).

Son service militaire en Algérie et au Maroc (1925-1927) lui permet de s’initier à l’arabe. Au cours d’un voyage en Grèce en 1932 (Odile), il prend conscience du danger de laisser la langue littéraire s’éloigner de la langue parlée. Rapprocher ces deux extrêmes deviendra son grand projet littéraire. Dans cet esprit, il jettera les bases du néo-français caractérisé par une syntaxe et un vocabulaire typiques du langage parlé et par une orthographe plus ou moins phonétique. Dans les dernières années de sa vie, il reconnaîtra l’échec de ce projet, et que la télévision, par exemple, ne semblait pas avoir eu l’effet négatif sur la langue écrite qu’il craignait. Il collabore à la revue La Critique sociale de Boris Souvarine (ainsi qu’au Cercle communiste démocratique fondé par ce dernier2), puis au quotidien L’Intransigeant.

C’est en 1933 qu’il publie son premier roman, Le Chiendent, qu’il construisit selon ses dires comme une illustration littéraire du Discours de la méthode de René Descartes. Ce roman lui vaudra la reconnaissance de quelques amateurs qui lui décernent le premier prix des Deux Magots de l’histoire. Suivront quatre romans d’inspiration autobiographique : Les Derniers Jours, Odile, Les Enfants du limon et Chêne et Chien, ce dernier entièrement écrit en vers.

Après avoir été journaliste pendant quelques années et avoir fait plusieurs petits métiers, Queneau entre en 1938 aux éditions Gallimard où il devient lecteur, traducteur d’anglais, puis membre du Comité de lecture. Il est nommé en 1956 directeur de l’« Encyclopédie de la Pléiade ». Parallèlement, il participe à la fondation de la revue Volontéset commence une psychanalyse.

C’est avec Pierrot mon ami, paru en 1942, qu’il connaît son premier succès. En 1947 paraît Exercices de style, un court récit décliné en une centaine de styles, dont certains seront adaptés au théâtre par Yves Robert. Ces Exercices de style lui furent inspirés par L’Art de la fugue de Johann Sebastian Bach, lors d’un concert auquel il avait assisté, en compagnie de son ami Michel Leiris, et qui avait fait naître en lui l’envie de développer différents styles d’écriture. Sous le nom de Sally Mara, auteur fictif qu’il a créé, il publie la même année On est toujours trop bon avec les femmes qui lui vaut des démêlés avec la censure[réf. nécessaire].

En 1949 est publiée sa traduction du roman de George du Maurier Peter Ibbetson, et en 1950 un second ouvrage sous pseudonyme, le Journal intime de Sally Mara, pour lequel il reçoit le prix Claire Belon.

À la Libération, il fréquente Saint-Germain-des-Prés. Son poème Si tu t’imagines, mis en musique par Joseph Kosma à l’initiative de Jean-Paul Sartre, est un des succès de la chanteuse Juliette Gréco. D’autres textes sont interprétés par les Frères Jacques. Il écrit des paroles pour des comédies musicales, des dialogues de films dont Monsieur Ripois, réalisé par René Clément, et aussi le commentaire du court métrage d’Alain Resnais Le Chant du styrène. Il réalise et interprète le film Le Lendemain.

Il publie de nouvelles chroniques fantaisistes de la vie de banlieue : Loin de Rueil (1944), Le Dimanche de la vie (1952), dont le titre est emprunté à Hegel. Un roman plus expérimental, Saint-Glinglin (1948), rassemble des textes publiés séparément depuis 1934.

Amoureux des sciences, Raymond Queneau adhère à la Société mathématique de France en 1948. Il s’évertue à appliquer des règles arithmétiques à la construction de ses œuvres, à la façon de la méthodelescurienne « S + 7 » : prendre un texte, n’importe lequel, prendre un dictionnaire, n’importe lequel, généraliste ou thématique, et remplacer tous les substantifs dudit texte par d’autres substantifs trouvés dans le dictionnaire choisi et situés sept places plus loin ou sept places avant par rapport à la place initialement occupée par le substantif à remplacer (ou qu’il aurait occupée s’il y figurait). En 1950, il publie un texte d’inspiration scientifique, Petite cosmogonie portative. Il publie également cette année-là un recueil d’études critiques, Bâtons, chiffres et lettres.

Toujours en 1950, il entre comme Satrape du Collège de ‘Pataphysique, et est élu à l’Académie Goncourt en 1951.

En 1959 paraît Zazie dans le métro qui s’ouvre par l’expression « Doukipudonktan ! » Le succès de ce roman surprit Queneau lui-même et fit de lui un auteur populaire. Une adaptation au théâtre par Olivier Hussenot et au cinéma par Louis Malle suivront.

À la suite d’un colloque en septembre 1960 (une décade de Cerisy intitulée « Raymond Queneau et une nouvelle illustration de la langue française »), dirigé par Georges-Emmanuel Clancier et Jean Lescure, il fonde en décembre 1960, avec François Le Lionnais, un groupe de recherche littéraire, le Séminaire de littérature expérimentale (Selitex) qui allait très vite devenir l’Oulipo (Ouvroir de littérature potentielle). Sa soif de mathématiques combinatoires s’étanchera aussi à la coupe de l’Ouvroir qui accueille, entre autres, le « père » de la théorie des graphes, Claude Berge. Raymond Queneau publie également deux articles de recherche mathématique en théorie des nombres, en 1968 aux Comptes rendus de l’Académie des Sciences de Paris3 et en 1972 au Journal of Combinatorial Theory4. Quant à l’Oulipo, il aura une grande descendance, plus ou moins sécessionniste, avec d’autres groupes comme l’Oupeinpo, l’Outrapo, l’Oubapo

Avec Cent mille milliards de poèmes (1961), Raymond Queneau réussit un exploit tant littéraire qu’éditorial. C’est un « livre-objet » qui offre au lecteur la possibilité de combiner lui-même des vers de façon à composer des poèmes répondant à la forme classique du sonnet régulier : deux quatrains suivis de deux tercets, soit quatorze vers. « Cent mille milliards » est le nombre de combinaisons possibles calculé par Queneau : « C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre). »

Le roman Les Fleurs bleues (1965), nouveau succès public, illustre l’apologue du penseur taoïste chinois Tchouang-tseu se demandant s’il est Tchouang-Tseu rêvant d’un papillon ou un papillon rêvant qu’il est Tchouang-Tseu… Il poursuit son œuvre poétique avec Courir les rues, Battre la campagne, Fendre les flots.

Raymond Queneau meurt le d’un cancer du poumon. Il est inhumé au cimetière ancien de Juvisy-sur-Orge (Essonne). Son épouse Janine est décédée en 1972.

Une partie importante des manuscrits de Raymond Queneau est aujourd’hui conservée par la Bibliothèque municipale du Havre. Ce fonds, constitué à partir de 1991, contient de nombreux manuscrits, des œuvres romanesques et poétiques, des correspondances, des peintures de l’auteur.