Jacques Prévert

Jacques Prévert
Jacques Prévert (1900-1977)

Jacques Prévert est un poète et scénariste français, né le à Neuilly-sur-Seine, et mort le à Omonville-la-Petite (Manche). Auteur d’un premier succès, le recueil de poèmes, Paroles, il devint un poète populaire grâce à son langage familier et à ses jeux sur les mots. Ses poèmes sont depuis lors célèbres dans le monde francophone et massivement appris dans les écoles françaises. Il a également écrit des scénarios pour le cinéma où il est un des artisans du réalisme poétique.

Jacques André Marie Prévert, deuxième enfant d’André Louis Marie Prévert, un homme de lettres âgé de 29 ans, et Marie Clémence Prévert, 22 ans, (née Catusse)1, naît au 19 de la rue de Chartres à Neuilly-sur-Seine (actuellement Hauts-de-Seine) le 4 février 1900. Il y passe son enfance. Jacques a un frère ainé, Jean, né en 18982, qui mourra en 1915 de la typhoïde. Il a aussi un frère cadet, Pierre, né le 26 mai 19063. Son père André Prévert, fait divers métiers pour gagner sa vie, et de la critique dramatique et cinématographique par plaisir. Il l’emmène souvent au théâtre et au cinéma. Marie Clémence, sa mère, l’initie à la lecture4. Il s’ennuie à l’école, et dès 15 ans, après son certificat d’études, il abandonne les études. Il multiplie alors les petits travaux, notamment au grand magasin Le Bon Marché. Mobilisé le 15 mars 1920, son service militaire s’effectue d’abord à Saint-Nicolas-de-Port où il rencontre Yves Tanguy5, puis il réussit à se faire affecter en 1921 à Istanbul, pacifiquement occupée par les troupes alliées, où il fait la connaissance de Marcel Duhamel6.

En 1922, il retourne à Paris où il vivote de petits boulots. Il est hébergé de 1924 à 1928 par Marcel Duhamel qui dirige, au 54 de la rue du Château près deMontparnasse, l’hôtel Grosvenor qui appartenait à son oncle et qui devient l’endroit de rencontre du mouvement surréaliste7. C’est en fait un logement « collectif » qui accueille tous les amis désargentés de Duhamel : Raymond Queneau, Yves Tanguy. C’est dans cet hôtel que Prévert trouve le terme de cadavre exquis pour définir le jeu littéraire auquel ses amis et lui se livrent. Le 30 avril 1925, il épouse Simone Geneviève Dienne1, son amie d’enfance devenue violoncelliste dans un cinéma de la rue de Cluny pour accompagner les films muets8. Prévert est toutefois trop indépendant d’esprit pour faire véritablement partie d’un groupe constitué, quel qu’il soit. Il supporte mal les exigences d’André Breton, et la rupture est consommée en 1930. En 1932, il écrit les textes pour legroupe Octobre. En avril 1933, il écrit Citroën qui sera lu, quelques heures après sa création, par le Groupe Octobre à la foule médusée des grévistes de chez Citroën. Il est invité avec sa troupe aux Olympiades du théâtre à Moscou où il gagne le premier prix avec La Bataille de Fontenoy9.

Toute sa vie, Jacques Prévert témoignera d’un engagement politique sincère. Surréaliste inclassable, certains observateurs n’hésitent pourtant pas à l’apparenter au courant libertaire10. En 2012, Jean-Louis Trintignant l’intégrera dans son spectacle Trois poètes libertaires, aux côtés de Boris Vian et de Robert Desnos11.

Cet engagement sera à l’origine de ses plus belles réussites et de nombre de ses déboires. Le groupe Octobre, avec lequel il se fit remarquer, était une troupe de théâtre itinérante qui allait jouer dans les usines en grève. Jean Renoir, compagnon de route du Parti communiste français, travaille tout naturellement avec lui, en particulier sur Le Crime de Monsieur Lange. Lumière d’été de Jean Grémillon met en scène l’oisiveté et le travail, et Les Visiteurs du soir s’achève, après que le diable a transformé en statues de pierre les amoureux qui lui résistaient, par un battement sourd et cette réplique, que tous les Français comprirent : « Ce cœur qui bat, qui bat…».

Il est le scénariste et dialoguiste de grands films français des années 1935-1945, notamment Drôle de drame, Le Quai des brumes, Le jour se lève, Les Visiteurs du soir, Les Enfants du paradis et Les Portes de la nuit de Marcel Carné, Le Crime de Monsieur Lange de Jean Renoir, Remorques et Lumière d’été de Jean Grémillon. Il a, à deux reprises, adapté des contes de Hans Christian Andersen, d’abord La Bergère et le Ramoneur devenu Le Roi et l’Oiseau, film d’animation de Paul Grimault en 1957, puis en 1964, Grand Claus et Petit Claus, autre conte d’Andersen, à la télévision, Le Petit Claus et le Grand Claus de son frère Pierre Prévert.

Pendant la guerre, il protège son ami musicien et juif, Joseph Kosma12 qui, grâce à lui, peut poursuivre son travail de musicien, et il aide également à se cacher le décorateur Alexandre Trauner, recherché par les Allemands.

Ses poèmes sont mis en musique par Joseph Kosma dès 1935 (À la belle étoile) : ses interprètes sont entre autres Agnès Capri, Juliette Gréco, Les Frères Jacques, Yves Montand. Son recueil Paroles, publié en 1946, obtient un vif succès.

La tombe de Prévert, aux côtés de celle d’Alexandre Trauner.

Il écrit des pièces de théâtre. Son anticléricalisme, parfois violent, est souvent négligé par le public, au profit de ses thèmes sur l’enfance et la nature.

Divorcé de Simone Dienne en 1935, il vit une histoire d’amour avec la comédienne Jacqueline Laurent en 1936, puis avec Janine Fernande Tricotet, élève du danseur Georges Pomiès, avec qui il a une fille, Michèle, née en 1946, et qu’il épouse le 4 mars 194713,1.

En 1948, il confie à Henri Crolla la composition des musiques de ses chansons, dont La Chanson des cireurs de souliers de Broadway destinée à Montand. Il se sépare de Kosma qui a pris le parti du producteur dans le film Le Roi et l’Oiseau que Paul Grimault estimait non fini. Le film sort dans une première version désavouée par les auteurs Grimault et Prévert, sous le titre La Bergère et le Ramoneur.

C’est la fin de sa collaboration avec Kosma.

Le 12 octobre 1948, à Paris, il tombe d’une porte-fenêtre et reste plusieurs jours dans le coma. Le hasard a voulu que Pierre Bergé, qui venait d’arriver, le jour même, pour la toute première fois dans la capitale, ait été témoin de l’accident14 alors qu’il se promenait sur les Champs-Élysées. En repos forcé à Saint-Paul-de-Vence, il se met à pratiquer assidûment le collage, qui constitue pour lui une autre forme de poésie15. Gardant de cet accident des séquelles neurologiques assez graves, il écrit moins pour le cinéma et se consacre surtout à des dessins animés et à des films pour enfants16.

Jacques Prévert a longtemps vécu dans des meublés et des hôtels avant de s’installer en 1955 dans un appartement au 6 bis cité Véron dans le quartier des Grandes-Carrières17, au fond d’une petite impasse derrière le Moulin Rouge, sur le même palier que Boris Vian qui se produit au cabaret de son frère Pierre Prévert : La Fontaine des Quatre-Saisons où il lui plaît d’accueillir lors de ses visites les spectateurs de renom coiffé d’une casquette de chasseur marquée en lettres dorées : La Fontaine des Quatre-Saisons.

Son domicile secondaire est à Antibes, mais, à la suite de la résiliation de son bail par le propriétaire qui souhaitait récupérer l’appartement des remparts, il doit quitter Antibes. Sur les conseils du décorateurAlexandre Trauner, il achète alors une maison en 1971 à Omonville-la-Petite, dans la Manche. Le , il y meurt des suites d’un cancer du poumon, lui qui fumait trois paquets de cigarettes par jour et en avait toujours une à la bouche18. Il avait 77 ans.

Aux côtés de sa femme, de sa fille et de son ami Alexandre Trauner, il est enterré au cimetière d’Omonville-la-Petite, où l’on peut également visiter sa maison. Non loin de là, à Saint-Germain-des-Vaux, ses amis ont aménagé un jardin dédié au poète.